DOSSIER : Décryptage des ordonnances visant à réformer le Droit du Travail

Le contenu des ordonnances a été officiellement présenté par le premier ministre au cours d'une conférence de presse le 31 août 2017. Au total, la réforme du Code du Travail prend la forme de 5 ordonnances. Le projet sera présenté officiellement lors du Conseil des ministres le 22 septembre. Les ordonnances entreront en vigueur dès la fin du mois de septembre.
Modification de la relation de travail
Contrats à durée déterminée
A compter de l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions issues des ordonnances, un accord collectif de branche pourrait permettre d’encadrer la durée, le nombre de renouvellement et la succession du nombre de CDD.
CDI de projet
Le gouvernement souhaite étendre la possibilité de conclure des "CDI de projet". Ce type de contrat existe déjà dans le BTP sous la forme d'un "CDI de chantier". L’instauration de ce contrat serait ainsi décidée au niveau de la branche.
Ce type de contrat existe déjà dans le BTP sous la forme d'un "CDI de chantier".
Télétravail
Le régime juridique du télétravail sera mieux encadré et facilité.
Le télétravail pourrait être mis en place dans l’entreprise par accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique (issu des ordonnances), s’il existe.
Le télétravail occasionnel serait possible par simple accord entre l’employeur et le salarié, sans formalisme particulier.
Le salarié qui occupe un poste éligible à un mode d’organisation en télétravail dans les conditions prévues par accord collectif ou, à défaut, par la charte, peut demander à son employeur le bénéfice du télétravail. L’employeur qui refuse doit motiver sa réponse.
Travail le dimanche
Les nouvelles dispositions permettraient de faciliter l'abrogation des arrêtés préfectoraux de fermeture d'établissement pour repos dominical. Elles permettraient également d'augmenter le délai accordé aux commerces situés dans une zone touristique ou commerciale pour conclure un accord sur le travail le dimanche.
Apprentissage et alternance
Fusion du contrat d'apprentissage et du contrat d'alternance pour en faire un seul contrat unique. Il n'existerait plus de condition d'âge maximal.
Compte pénibilité
4 critères (sur les 10 actuels) sortiraient du compte à points. Il s'agit de la manutention de charges lourdes, des postures pénibles, des vibrations mécaniques et des risques chimiques. Les salariés exposés à ces risques pourront toutefois encore bénéficier d'un départ anticipé à la retraite, mais seulement sous certaines conditions.
Modifications relatives à la rupture du contrat de travail
Allégement des formalités de licenciement
Le gouvernement mettrait à disposition plusieurs modèles de formulaire de lettre-type de notification de licenciement que l'entreprise pourrait désormais utiliser.
En outre, l'employeur conservera la possibilité de préciser ou de compléter les motifs figurant dans la lettre de licenciement, et ce même après la notification de la rupture au salarié. Cette modification pourra se faire à l'initiative de l'employeur ou à la demande du salarié.
Lorsque l’employeur ne respectera pas la procédure de licenciement, le salarié pourra toujours agir en justice, mais le projet d’ordonnance prévoit que l'indemnité accordée par le juge ne pourra pas dépasser un mois de salaire.
Augmentation du montant de l’indemnité légale de licenciement
Un décret, en cours de rédaction, prévoit l’augmentation du montant de l’indemnité légale de licenciement de 25 % pour les 10 premières années. Ainsi, les modalités de calcul de l’indemnité légale de licenciement seraient désormais :
- ¼ de mois par année d’ancienneté jusqu’à 10 ans
- 1/3 de mois par année d’ancienneté au-delà de 10 ans
De plus, le seuil d’ancienneté à partir duquel les indemnités sont dues est abaissé à 8 mois d’ancienneté contre 1 an actuellement.
Délai de contestation aux prud'hommes
Le délai pour contester un licenciement aux prud'hommes passerait de 2 à 1 an pour tous les types de licenciement.
Plafond des indemnités prud'homales
Le barème des indemnités prud’homales fait son retour avec la mise en place d’un seuil minimal et plafond maximal applicables aux indemnités versées aux salariés si le licenciement est reconnu sans cause réelle et sérieuse.
Les montants évolueront en fonction de l'ancienneté du salarié licencié : minimum de 3 mois de salaire pour les salariés ayant au moins 2 ans d’ancienneté dans une entreprise d’au moins 11 salariés et maximum de 20 mois de salaire pour les salariés de plus de 30 ans d’ancienneté. En cas de nullité du licenciement, le minimum serait de 6 mois de salaire contre 12 en moyenne actuellement.
Les licenciements jugés abusifs (liés, par exemple, à un harcèlement ou à une discrimination) ne devraient toutefois pas être concernés par le plafonnement des indemnités prud'homales.
Modification de la gestion des Instances Représentatives du Personnel et de la négociation collective
Une nouvelle délégation unique du personnel : le Comité Social et Economique (CSE)
Une instance unique serait mise en place dans les entreprises de plus de 11 salariés. Ces compétences seraient celles jusqu’à présent dédiées aux Délégués du Personnel, Comité d’Entreprise et CHSCT.
Les mandats des élus au CSE dureraient 4 ans et ne seraient limités à 3 mandats successifs.
Le CSE bénéficierait d’un budget de 0,20 à 0,22% de la masse salariale dans les entreprises de plus de 50 salariés.
Place à la négociation dans les PME
Dans les entreprises de moins de 11 salariés, un référendum pourra être organisé auprès des salariés à l'initiative de l'employeur. L'accord sera alors ratifié à la majorité des deux tiers du personnel.
Ces dispositions seraient également applicables aux entreprises entre 11 et 20 salariés dépourvues d’élu du personnel.
Dans les entreprises ayant entre 11 et 50 salariés qui ne comptent pas de délégué syndical au sein de leur CSE, la négociation pourra se faire avec un élu au CSE sans obligatoirement obtenir le mandatement d’un syndicat représentatif.
Les domaines de l’accord d'entreprise : articulation de nouvelles normes
Depuis l’entrée en vigueur des dispositions issues de la loi travail, l’architecture du Code du Travail a été modifiée, créant trois niveaux de règles : le socle d’ordre public, les dispositions relevant du champs de la négociation collective et les dispositions supplétives destinées à s’appliquer en l’absence d’accord collectif.
Les ordonnances viennent ajouter trois niveaux pour les domaines qui relèvent de la négociation collective :
1er niveau : domaines pour lesquels les accords de branche priment sur les accords d’entreprise de manière impérative (par exemple : les salaires minimas, les classifications, les garanties collectives complémentaires, les mesures relatives aux CDD…etc.),
2nd niveau : domaines pour lesquels la branche a la faculté de décider de faire primer ses dispositions sur celles de l’accord d’entreprise (par exemple : la prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels, l’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés…etc.).
3ème niveau : autres domaines ne figurant pas au premier et au second niveau pour lesquels les accords d’entreprises auront la primauté sur les accords de branches.
Ces 5 ordonnances, une fois entrées en vigueur, devraient largement transformer le Droit du Travail tel que nous le connaissions. Nos prochaines publications aborderont, dans des dossiers plus détaillés, les conséquences de ces changements.